Pour peu qu’un collectif se défie de la justice (et/ou de la police, bref, du système répressif habituel) mais qu’il rencontre des situations internes qui doivent donner lieu à une réaction en termes de justice… vers quoi peut-il se tourner ? Comment instaurer des modalités judiciaires dans des collectifs, militants et progressistes en particulier ? C’est la question passionnante que soulève ce très intéressant petit livre. Le constat de départ de l’autrice, qui a une expérience militante importante, n’est pas tellement réjouissant : elle constate à quel point la question est peu pensée. Et à quel point du coup les pratiques peuvent être nocives et activer les plus mauvais travers collectifs en termes de dynamiques partisanes et interpersonnelles. Et donner lieu à des punitions profondément injustes et violentes. En contradiction profonde donc avec les valeurs défendues, et parfois pires que ce qu’aurait donné un recours aux dispositifs institutionnels. Elle décrypte le pourquoi de ces dérives et l’importance de se saisir de ces questions de manière réfléchie. Pour le bien des personnes, mais aussi pour construire des pratiques démocratiques défendables, et expérimenter ce qu’on défends, concrètement là où c’est le plus difficile mais aussi très précieux. De là, elle propose des pistes d’action déjà expérimentées dans des collectifs spécialisés (ce qui est en soit une nouvelle et une ressource précieuse). Et ce qu’elle propose s’inspire de la justice restaurative et de pratiques de réappropriation du conflit et de sa gestion saine (ce qui fait lien avec d’autres ouvrages et sujets qui m’agitent depuis un petit moment). C’est un livre que j’ai vraiment apprécié : l’autrice soulève de manière honnête et courageuse une gamme de questions importantes, et elle partage des expériences et des ressources très précieuses pour avancer là-dessus. Une lecture qui vaut vraiment le coup si vous avez été ou pouvez être confronté-es à des conflits, dénonciations et actes condamnables au sein de collectifs militants.