
Pourquoi méprise-t-on si facilement les livres et les films qui ont des fins heureuses ? Et en particulier les comédies romantiques ? Qu’est-ce que ça dit de notre culture et quel est le message que ça envoie ? C’est à ces questions que s’attaque Coline Pierré dans ce tout petit livre très agréable à lire (une fois de plus bravo aux micro-éditions Monstrograph (compliment tout à fait à sa place puisque Coline Pierré en est co-fondatrice avec Martin Page)). Elle part de son expérience et de ses intentions en littérature jeunesse pour revendiquer l’intérêt et même l’importance des fins heureuses. Ce à quoi elle donne un éclairage tout à fait politique et convaincant quant à la manière dont on regarde le monde, la place qu’on y a et surtout la capacité à s’y affirmer et le changer sans subir une fin malheureuse et punitive. Ce que j’ai trouvé très réjouissant et très motivant. Elle renforce ensuite son argumentaire d’un regard féministe sur le rejet de ces formes culturelles et conclut sur un beau plaidoyer pour des histoires (et des personnages) ambitieuses et aux fins heureuses. Un petit livre que j’ai vraiment beaucoup aimé et qui donne franchement envie d’écrire.
Je suis en train de lire Le héros aux mille et un visages, de Joseph Campbell, qui parle à un moment de l’importance de la comédie, à laquelle notre époque préfère le tragédie, et cela fait écho aux fins heureuses. Voici ce que j’ai résumé dans mes notes de lecture:
« La tragédie et la comédie existent de manière formelle depuis les Grecs. A notre époque, nous accordons un rang plus élevé à la tragédie, car elle reflète pour nous l’impitoyable marche du monde, l’impermanence du bonheur, l’universalité de la souffrance. La comédie est bonne comme divertissement, la fin heureuse appartient aux contes de fées. Alors qu’en fait, pour les Grecs, la comédie affirmait que la vie était plus forte que la mort. En fait, tragédie et comédie sont complémentaires, elles représentent la descente (kathodos) et la remontée (anodos), ce qui représente la vie, telle qu’elle se présente à nous et que nous devons accepter, comme une purge (katharsis) qui nous permet de nous libérer de l’anathème du péché (être soumis à l’autorité divine) et de la mort (identification à la forme mortelle). »