030214_FARJ

On peut reprocher à un certain nombre de textes politiques, anarchistes en particulier, mais je pense que c’est largement vrai dans d’autres couleurs, de brasser de la théorie sans lien avec une pratique sociale, mais également de ne s’intéresser qu’aux principes et à l’idéologie, abandonnant le champ plus terre-à-terre de leur traduction en actes, et en particulier en termes d’organisation sociale et politique. Et ce sont bien les deux écueils qu’évitent cet ouvrage avec brio, et ce qu’il apporte donc de particulièrement important au corpus anarchiste. Ce texte est en effet une production de la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro, née de longues années de réflexion et de pratique de terrain, dans divers champs de luttes sociales et politiques. Il s’inscrit dans une filiation avec les positions et écrits de Bakounine et Malatesta (que j’aime beaucoup tous les deux même si j’ai un faible marqué pour le russe barbu), et donc du socialisme libertaire, qui suppose des formes d’organisation réfléchies et affirmées (et un éloignement marqué des positions des anarchistes individualistes, que là encore je partage largement). Sur cette base, la FARJ a donc expérimenté et approfondi des formes d’organisation politique et d’implication dans les mouvements sociaux, avec pour fin affirmée l’avènement du socialisme libertaire. Et ces traductions sous des formes très pragmatiques, dans des questions d’organisation et de relations avec les mouvements sociaux sont extrêmement intéressantes. Dans une perspective anarchiste bien sur, mais aussi, dans mon cas, plus largement, dans les formes qui permettent de conserver une visée idéologique à long terme tout en s’impliquant dans des actions plus quotidiennes et de portée plus courte. Et la manière de penser ces articulations, pour simple qu’elle puisse sembler une fois posée, me semble importante et enrichissante. Et l’ensemble du bouquin est à l’avenant, puisqu’il pose clairement de nombreuses choses, et est donc accessible très facilement (sauf, bizarrement, l’introduction, longue, et qui se perd un peu dans des querelles un peu pointues de filiations idéologiques, mais qu’on peut allègrement sauter pour lire plus tard).