China Miéville est vraiment un auteur étrange, et c’est un vrai compliment. Il propose ici, sur une trame d’enquête policière, la découverte d’un monde étrange, niché dans le monde réel : deux villes superposées aux règles étranges. Il y a une dimension fantastique, mais elle ne constitue pas l’argument central de l’histoire, elle ne sert finalement qu’à permettre un environnement étrange dans lequel on va surtout parler de frontières, de séparation entre les gens, les cultures et les histoires. Le thème et l’ambiance évoquent incontournablement Kafka, voire Philip K. Dick, dans la manière d’utiliser une excuse fantastique pour aborder l’altérité, l’étrangeté et l’étranger, particulièrement quand il est physiquement proche. Exercice réussi à mon sens, et intriguant. Au-delà de ce thème, qui est tout de même très central, on suit une enquête policière, avec ses rebondissements, ses personnages un peu attendus mais bien amenés et sa résolution. L’ensemble est bien construit et on découvre progressivement les bizarreries de cet environnement, avec leurs échos dans le monde réel, et on se laisse prendre au jeu de miroir de cette double-cité improbable. Le résultat est assez inclassable, mais fonctionne bien en ce qui me concerne.