
Un jour, vingt-quatre personnes ont décidé sciemment, après réflexion, de soutenir pleinement Hitler dans son accession au pouvoir. Ces personnes, ce sont les plus grandes entreprises allemandes, sous la forme de leurs patrons. Cette scène frappante ouvre ce petit livre traumatisant, et elle est accessoirement tristement réelle. Réelle au sens historique, et réelle dans son écriture qui permet de toucher du doigt ce contexte et ce qui s’y est joué. Cette sensation de réalité, on la retrouve tout le long de ce petit livre. Chaque scène est différente, mais chacune éclaire une des étapes de l’ascension nazie, et leurs conséquences concrètes sur la vie de nombre de gens. Avant même le génocide lui-même. Ce sont les conditions d’arrivée au pouvoir d’un règlme d’extrême-droite qui sont exposées, avec leur part affolante de bluff, de bras de fer remportés juste en jouant sur la peur, et de ratés misérables effacés par la suite (les conditions matérielles réelles de l’annexion de l’Autriche sont complètement folles). C’est sous forme de mosaïque, mais au-delà de l’efficacité de l’écriture et de l’impact de l’accumulation, je vois un fil rouge sur la lâcheté et la compromission qui ont été essentielles pour arriver à la dictature, puis à un holcauste et une guerre mondiale. C’est troublant. Et c’est donc très réussi. Ce n’est évidemment pas une lecture de détente, d’autant moins avec les échos actuels, qui sont terriblement clairs, mais c’est un plaisir littéraire et un inconfort tout à fait justifié, voire vital.