Alors, avec un titre comme ça, je m’attendais plutôt à du léger, à de la sociologie style Jean-Paul Kaufman mise en BD. Ce qui m’aurait tout à fait convenu. Mais non, c’est bien plus, et de fait bien mieux que ça. Le ton est souvent léger, et avec un tel sujet ça aurait été dommage de se priver de blagues et de clins d’œil. Il y a de l’humour, et il est particulièrement bien dosé, et surtout jamais objectifiant ou facile. Ce qui au final est logique vu la manière dont le sujet est traité. Parce qu’il ne s’agit pas d’un survol pour rigoler, mais bien d’un travail de fond très documenté sur la place des fesses dans notre culture. J’y ai découvert plein plein de choses, vraiment. Sur le fait que les fesses n’existent pas esthétiquement, dans la littérature et les préoccupations, avant l’arrivée des miroirs. Sur la manière dont elles deviennent ensuite une préoccupation, et même un enjeu très net de distinction raciale au moment de la colonisation. Et sur la manière dont elles sont ensuite pathologisées, pour les fesses féminines, avec la cellulite en particulier. Ce qui donne lieu à un développement brillant, et transférable à tant d’autres choses, sur la notion de normalité anomale (une norme sociale tout à fait différente de la norme statistique, ce qui n’est pas sans rendre un peu dingue). Tout ceci est construit sur des recherches nombreuses et solides, et des auteurices important-es dans pas mal de disciplines. Et on ne perd pas l’humour pour autant. Je ne m’attendais franchement pas à un propos aussi profond et dense. Et surtout pas à un propos aussi profondément féministe et politique. Un grand coup de cœur en ce qui me concerne, foncez !