Après avoir publié une BD sur les Algues vertes, qui avait eu un impact considérable, les auteurices s’attaquent ici à la question de remembrement. Approche historique, et politisée donc, d’un sujet qui pour la grande majorité d’entre nous est au mieux obscur (et je dis ça en ayant fait des études d’agriculture, hein…). Franchement, j’ai pris une claque. D’un côté, on trouve dans cette BD ce qu’on peut y attendre : une explication, bien vulgarisée, de ce qui a été un grand bouleversement des campagnes françaises. Et c’est très bien fait, de manière incarnée et touchante, avec des récits variés (et bretons). Mais de l’autre côté, ce que ça met en lumière du fonctionnement de l’État technocratique est à ce point inattendu que c’est vraiment un choc. La certitude et la brutalité des technocrates menant cette réforme, et l’appui politique dont ils bénéficient, est sidérante. Être convaincu à ce point de savoir à la place des gens ce qui est bon pour eux, alors que eux et bien d’autres disent le contraire, et l’argumente, est d’un orgueil qui confine à l’incompréhensible. Au-delà de l’analyse politique que celà permet du remembrement, il y a là-dedans un propos et une analyse bien plus profonde et générale sur le fonctionnement de l’état, et en particulier de l’état libéral appuyé sur une forme particulière de technocratie allant main dans la main avec des grands lobbies financiers et corporatistes. Oui, ce sont bien des logiques et des méthodes qui changent le monde, et sans régulation démocratique, avec très peu d’acteurs centraux. Dans des proportions, donc, choquantes. Ce qui en fait une lecture très très recommandable, bien au-delà des personnes intéressées par les questions agricoles. Franchement, lisez-le, c’est à ne pas rater.