
On en est où du positionnement des grands mouvements sociaux et activistes, dans notre pays aujourd’hui ? En termes de valeurs motrices et de convictions stratégiques ? C’est autour de ces questions que Réjane Sénac a mené un travail d’enquête de grande ampleur, en menant des entretiens avec des responsables d’associations et mouvements militants. Les réflexions sur la place de la liberté, et la défiance qu’il peut y avoir vis-à-vis de cette revendication sont dans la lignée des réflexions précédentes de l’autrice et m’ont pourtant franchement surpris et fait réfléchir. Les manières de penser la radicalité qui se dessinent à partir de là m’ont aussi pas mal éclairées. La seconde thématique, sur la question de la convergence des luttes, ou non, et de la fluidité des alliances et des enjeux d’identité m’a moins surpris, mais m’a tout à fait alimenté aussi. Ce que Réjane Sénac brosse ici, c’est un tableau des pratiques et réflexions actuelles, dans leur état de non aboutissement du moment. C’est vraiment de l’actualité de la pensée politique de terrain en construction. Ce que je trouve aussi intéressant que frustrant à lire. Frustrant parce qu’on passe en revue plein d’avis et de fragments de discours contradictoires, incomplets et partiellement complémentaires. Et que ce n’est du coup pas bien rangé et pas théorisé de manière propre et lisible (même si l’autrice donne des balises et des cadres pour penser des grilles de lecture). Du coup, oui, je n’ai pas trouvé ça facile à lire. Mais c’est aussi ça qui fait l’intérêt spécifique de la démarche : montrer ce qu’il en est dans la vraie vie de l’action politique et pas dans les livres et les bureaux. Et du coup, on arrive sur des perspectives partielles, mais que je trouve à la fois réjouissantes et opérationnelles pour du travail militant et d’éduc pop de terrain et de tous les jours, avec les contradictions et les complexités qui vont avec, et ça c’est vraiment cool.