
Ce n’est rien de dire que Aude Mermilioud se lance dans une entreprise courageuse dans cette BD : elle fait le récit de la construction de sa sexualité, en tant que femme, en montrant en particulier comment l’expérience précoce d’agression sexuelle conditionne une grande partie de son parcours. Donc, elle se dévoile. Beaucoup. Et avec beaucoup de justesse, d’émotion et d’acuité. C’est drôle aussi. Avec un équilibre dans les registres de narration que je trouve remarquables. C’est juste, parfaitement juste. Avec un dessin que je trouve qui plus est parfaitement adapté et vraiment très agréable. Ce qui lui permet de raconter de manière forte et efficace son parcours. Elle met en lumière de manière frappante et marquante les traces que laissent la socialisation genrée et les agressions qu’elle produit comme premières expériences sexuelles féminines. Et il s’agit d’un registre d’agression profondément effrayant parce qu’il est parfaitement banal, normalisé et quasiment attendu. Le fait de montrer à quel point c’est standard et en même temps à quel point ça marque profondément une vie est d’une puissance remarquable en termes de prise de conscience et d’impact émotionnel et éducatif. Qui plus est parce qu’elle montre à quel point les impacts se retrouvent dans toutes ses relations suivantes, et notamment dans des gestes et des peurs du quotidien. Elle raconte aussi comment elle a construit une sexualité expansive et exploratoire, notamment dans le milieu libertin, pour se réapproprier corps et désir (avec, à l’époque, Jean-Louis Tripp en train d’écrire Extases). Ce ne sont pas les moments qui sont les plus spectaculaires que j’ai trouvé les plus marquants, et c’est peut-être ça que je trouve le plus fort au final, dans cette très belle, importante et touchante bande dessinée sur un parcours féminin dans un monde vraiment pas ouf.