
(En français, publié sous le titre : Les nouveaux serfs de l’économie, chez Les Liens qui Libèrent).
Si vous ne situez pas Yanis Varoufakis, c’est un chercheur en économie, un peu balaise, qui a été ministre des finances de Syriza, en Grèce, au moment du conflit avec l’UE. Bref, gros bagage théorique, et expérience concrète, et positionnement volontiers iconoclaste et radical (il se définit comme marxiste libertaire (oui, je ne peux que l’aimer)). Dans ce livre, pas si long, mais bien dense, il propose une bascule théorique : nous ne serions plus dans un système fondamentalement capitaliste, mais dans autre chose. Cet autre chose serait né de la crise de 2008 et de l’injection illimité de nouvelle monnaie dans l’économie par les banques centrales (pour sauver l’économie donc). Cette injection de monnaie en très grande quantité aurait été captée au final par les grands acteurs du Cloud Capital, c’est-à-dire les techno-milliardaires (Musk, Bezos, etc, donc les fortunes ont effectivement explosé à ce moment là) et les quelques banques super-géantes qui sont leurs grandes actionnaires (Blackrock et leurs deux potes). Ces milliardaires vivent maintenant d’un modèle qui n’est plus centré sur le fait d’être rentables et de faire du profit avec leur activité productive, mais en ayant constitué des fiefs monopolistes dont ils tirent des rentes qu’ils imposent à tous ceux, individus comme entreprises, qui n’ont d’autre choix que d’y accéder. Et c’est donc un vrai changement structurel et idéologique de fond : ce ne sont plus les logiques capitalistes qui président (même si elles restent présentes mais de manière secondaire et inféodées) mais des logiques féodales, avec des fiefs et des rentes. C’est passionnant, et très perturbant, parce que les conséquences politiques, en particulier quant aux méthodes de lutte émancipatrices et égalitaires en seraient profondément bouleversées. Après, c’est dense. C’est de la macro-économie, à grande échelle et sur la longueur. Donc faut s’accrocher un peu. Si vous avez survécu à ce paragraphe, c’est un bon début, même si Varoufakis est bien plus clair que moi. Il fait de gros efforts de forme, en clarifiant, en coupant, en mettant du contexte personnel et politique. Alors, moi j’ai trouvé que ça passait, et même que c’était vraiment important et que ça faisait beaucoup réfléchir à des endroits très utiles, mais ce n’est pas de la petite lecture légère et rapide (c’est vulgarisé dans les faits, mais pour autant ça reste complexe).