Reprendre corps, pour moi, c’est d’abord une écriture. Une clarté, un impact et un rythme qui m’ont immédiatement happé et touché. Et une vulnérabilité qui n’est jamais une faiblesse. Non seulement c’est beau et prenant, mais c’est parfaitement en adéquation avec le propos. Déborah Costes raconte son parcours. Elle raconte sa famille, et la pauvreté, elle raconte sa maladie et elle raconte sa sexualité. Et elle raconte comment les trois, combinées, avec complexité, l’ont amenée à être travailleuse du sexe. De manière assumée et choisie, et sans d’ailleurs le glorifier. La manière dont elle écrit l’impact de la pauvreté, comme celui de la maladie, sur la manière dont elle vit son rapport au monde et son rapport à son corps sont brillants et captivants. Parce qu’ils parlent de son vécu, mais aussi de quelque chose d’universel dans le vécu de domination et d’oppression. Avec cette écriture et son impact remarquable. C’est un format qui est pour moi parfaitement adapté. Et qui permet de traiter le cheminement vers des pratiques différentes de travail du sexe, conditionnées justement par les faiblesses d’un corps, mais surtout les failles de prise en charge par la société, surtout par ce que produit une société inégalitaire. Et ça aussi c’est très bien amené, très directement et avec la vivacité d’une gifle : la manière dont l’organisation sociale produit des catégories sociales inféodées au travail du sexe, et la manière dont c’est bien au service de dominants à qui ça convient parfaitement. C’est un livre politique, au fond, sans que ce soit du tout ce qui est annoncé. Et c’est un livre puissant et émouvant. Bref, c’est un livre d’une intelligence et d’une humanité remarquables.