
Voilà longtemps que le fait de destiner l’éducation à l’égalité femmes/hommes principalement à des publics racisés, et souvent masculins, me pose des questions, et même des problèmes. Parce que ça a une odeur de racisme, tout de même, malgré plein de bonnes intentions affichées. J’avais déjà eu quelques éclairages sur la question, qui m’évitaient de faire de trop grosses conneries, mais ça restait partiel. Le travail de Simon Massei vient mettre des mots et clarifier tout ça d’une manière qui m’a été extrêmement précieuse. Son analyse est tirée de son travail de thèse sur la place de ces contenus dans l’école française, mais c’est tout à fait généralisable tant il éclaire les logiques politiques et sociales de ces enjeux. Il commence par décrypter le contexte historique et politique, la manière dont les militantes puis les institutions ont pensé le sujet s’en sont saisies. En passant d’une lutte féministe et anti-sexiste affirmée à une vision de l’égalité beaucoup plus libérale et individuelle, à coup notamment de lutte contre les stéréotypes. Ce qui conditionne ce qui est financé, comment et par qui. Et quand le financement de ces actions passe par les lignes des quartiers prioritaires, l’enjeu devient un enjeu de civiliser les barbares. Dans une vision très raciste. Ce qu’il analyse aussi sur le volet culturel, par le portage médiatique et politique, et ensuite son partage par une partie de la population. C’est passionnant de voir comment cette question va être redéfinie comme un enjeu racial. Simon Massei parle de racialisation de l’anti-sexisme, et de racialisation du sexisme, et c’est parfaitement juste et explicite. Son argumentaire est solide et ça éclaire tellement les tensions sur ce sujet. Il montre ensuite qui sont les personnes qui se chargent des interventions sur l’égalité et avec quels partis pris politiques, puis il montre comment et pourquoi il y a eu et il y a encore des résistances fortes. De la part de mères racisées, pour lesquelles c »est un enjeu de confiance en l’institution scolaire, avec une perception nette du sous-texte raciste ; et de la part de bourgeoise catholique très à droite pour des raisons idéologiques et politiques (et elles, elles me font particulièrement hurler). Ce qui crée une alliance étrange mais là encore importante à comprendre. J’ai trouvé l’ensemble de ce livre passionnant, et d’une utilité majeure, politiquement, et en particulier dans mes réseaux professionnels. Bref, si le sujet vous intéresse et que vous n’avez pas peur de lire de la socio accessible et politique, foncez.