La science-fiction anglophone nous avait déjà proposé des visions du futur qui ne soient pas centrées sur l’occident, avec Ian McDonald par exemple. C’est le tour de la science-fiction française avec un récit du futur centré sur l’archipel caribbéen. J’aime bien, c’est dépaysant et original. Et ça change de regard et de priorités. D’abord en termes de langue, puisque c’est une écriture parsemée de créole. Ce qui demande certes quelques efforts et laisse parfois perplexe, mais je trouve que ce n’est pas cher payé pour changer aussi nettement de cadre, de références et de musique. C’est également dépaysant parce que les registres politico-culturels sont puisés chez des auteurs caribéens. Ce qui fait que les lignes de tension politiques et culturelles ne sont pas là où on les attends traditionnellement. Et la question du rapport à la terre, au monde et au vivant est ouverte d’une manière différente notamment, au moins autant que celle de la langue, des langues et des traductions qui permettent de se comprendre et de jeter des ponts. Enfin, c’est une société et des personnages qui ont un vécu et une culture d’exploités, même pour celleux qui sont au moment du récit puissant-es. Dans ce contexte riche, c’est le récit d’un moment de lutte révolutionnaire. Mais pas de manière tranchée et surplombante, de manière confuse, à plusieurs voix, et les pieds dans la saleté et l’incertitude. Ce que la narration à plusieurs voix permet et incarne, même si elle peut parfois aussi amener une certaine confusion pour les lecteurices. C’est un petit roman que j’ai trouvé riche et inattendu, et qui m’a demandé quelques efforts que je ne regrette pas.