
C’est une chose de lire sur les riches, leurs réseaux, leurs habitus, et c’en est une autre de voir. Ce très beau livre compose un portrait de la grande bourgeoisie en juxtaposant photos et textes courts. L’objet lui-même est vraiment beau, ce n’est pas un format de livre d’art mais c’est un beau format de livre de photos, avec une très belle qualité d’édition. C’est donc déjà un plaisir pour le livre lui-même, mais ce n’est pas tout. Les photos sont elles-mêmes très belles, et très frappantes. Très belles esthétiquement, et très frappantes parce qu’elles montrent avec beaucoup d’acuité, et un humour certain, ce monde très privilégié et cet entre-soi qu’on croirait faux tellement il est caricatural, ou disparu depuis longtemps. Les photos font donc à elles seules une part forte du travail de dévoilement sociologique. Mais elle pourrait rester cryptique, ou être interprétées comme des exceptions (voire comprises de manière seulement partielles), c’est pourquoi elles sont accompagnées de textes de Monique Pinçon-Charlot, qui les interprètent et qui, surtout, généralisent ce qu’on voit, le met en contexte. Ce qui permet de conceptualiser, et dans le même temps de comprendre, avec surprise, à quel point ces très riches vivent dans un entre-soi de confiscation du pouvoir, dans un communautarisme extrême et revendiqué. Les textes sont courts, et ne parasitent pas les photos, ils sont d’une efficacité redoutable tout en étant une lecture rapide et agréable. L’association de ces magnifiques photos et de ces textes est une vraie réussite. C’est un livre un peu cher, mais il est très beau et il fait une magnifique synthèse de sociologie de la grande bourgeoisie. Un vrai coup de cœur en ce qui me concerne.