Accrochez-vous, on est sur un registre un peu pointu (qui m’a ravi) : une lecture de l’histoire des jeux contemporains (en particulier les jeux de l’univers geek, wargames, jeu de rôle et de figurines en particulier, mais aussi tout l’univers qui lui est lié) avec un prisme de sciences sociales critiques et en particulier une lecture des enjeux raciaux (mais aussi bien sur sexistes et classistes). La perspective historique est non seulement essentielle, mais elle vient éclairer des origines que je connaissais moins et qui sont essentielles pour le propos critique proposé ici : les hobbys masculins blancs précédents, en particulier les trains électriques et les maquettes associées. Ce qui permet de faire ensuite le lien avec le MIT et le début du mythe des hackers (et les contrepoint avec le livre Hackers est vraiment bienvenu et pertinent), et avec les wargames et leurs liens avec la hiérarchie militaire américaine. Ensuite, on passe sur du plus connu, avec DnD, Avalon Hill et toute la suite. Ce qui est passionnant, c’est que l’auteur mobilise les sciences sociales de manière pointue (et il est à jour de la recherche et des constructions théoriques récentes, ce qui est passionnant mais demande un peu d’effort) pour montrer à quel point cet univers de loisir est masculin (sans surprise), de certaines classes sociales (sans trop de surprise non plus, même si la précision de la position de classe aux USA est éclairante dans le cas présent) et surtout, surtout, blanc. Voire dans une certaine complicité (volontaire ou non) avec un suprémacisme blanc. Et ça, je ne l’avais jamais vu posé ainsi, surtout dans une version aussi solidement analysée. C’est donc une lecture qui m’a passionné. Et qui est, clairement, assez exigeante puisque c’est presque autant un travail de recherche qu’un travail de vulgarisation. A vous de voir, mais pour moi, c’est à l’intersection parfaite de sujets qui me passionnent.