J’avais systématiquement apprécié les interventions de Nesrine Slaoui que j’avais pu entendre, mais je la connaissais peu. Le sous-titre de ce livre, son troisième, a suffit à me convaincre : un féminisme pour les femmes maghrébines en milieu hostile. Cette intersection entre sexisme et racisme, spécifiquement pour les femmes issues des anciennes colonies d’Afrique du Nord (les fameuses « beurettes ») est importante dans la société française aujourd’hui, et dans mes réseaux professionnels. Pour autant, je n’avais pas trouvé de ressources efficaces et spécifiquement sur ce sujet. Ben ça y est, j’ai trouvé. J’ai vraiment été enthousiasmé par ce livre. Le fond est là, il est documenté, construit, c’est un travail brillant de synthèse et de vulgarisation des sciences sociales sur ce sujet spécifique, et même un peu au-delà. Que vous soyez concernée ou intéressé-es, il y a de quoi se nourrir, confirmer des intuitions et avoir de quoi argumenter et expliquer. Avec, en ce qui me concerne, des illustrations des dominations qui m’ont ouvert les yeux sur des phénomènes et des stéréotypes que je ne connaissais pas, parce qu’on plonge dans du vécu, et dans du précis. Et ce vécu est une prise de risque de l’autrice, et une prise de risque qui paie. Elle se positionne, se raconte et donc s’expose, émotionnellement, personnellement dans le récit de son parcours et des difficultés vécues. Elle le fait avec un équilibre admirable de justesse : c’est émouvant, et ce n’est jamais gratuit, c’est toujours au service du propos, et de l’empathie. Je soupçonne aussi que son pari soit gagné dans ce que ça provoque de reconnaissance et de solidarité pour les principales concernées. C’est un livre que j’ai trouvé aussi beau que brillant, et sur un sujet important et trop peu traité. Donc, oui, je vous le recommande carrément.