L’inceste devient un sujet public et un sujet politique, ce qui est une très bonne chose. On ne peut regretter que ça ait attendu aussi longtemps, le déni et le patriarcat ont la peau épaisse. Cette libération de la parole et cette nouvelle écoute s’appuient sur des témoignages, dont certains ont été bien relayés et médiatisés. Mais aller au-delà du témoignage rend nécessaire, et possible, de produire des mots, des textes et un cadre pour penser cette question, et faire bouger les lignes. C’est cette direction qu’explore et débroussaille ce petit ouvrage. Il a été rédigé par des personnes qui pensent, qui théorisent, et en bonne partie par des personnes concernées, ce qui lui donne une double légitimité. Il est construit sous la forme d’une série d’articles explorant chacun une dimension et un enjeu lié à la question de l’inceste. En particulier de sa dimensions systémique et donc de la manière dont l’inceste est profondément incrustée dans notre culture. Ce qui permet aussi de penser la manière dont elle s’articule au patriarcat, voire dont elle en est une des assises. C’est cette analyse que j’ai d’ailleurs trouvée la plus forte et la plus dérangeante (et je la trouve également très juste). Les autres articles sont aussi intéressants, notamment sur la normalisation de l’inceste dans la culture filmique et la fiction. Les articles étant indépendants, ce n’est pas un essai linéaire, mais la cohérence des thèmes fait que ça ne m’a pas du tout gêné. C’est une lecture qui m’a nourri et questionné, de manière utile et efficace, tout en étant une forme d’ébauche à partir de laquelle se construiront j’imagine des essais plus complets et structurés.