Je me rationne dans ma lecture d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Parce que c’est une nourriture riche. Presque trop. Aussi bien en termes d’écriture que de foisonnement de sujets (c’est du roman, mais ça parle de plein de choses, toujours). J’ai retrouvé là ce que j’avais aimé dans les précédents, avec un cadre et des thèmes un peu différents. Bon, elle y parle toujours de famille, et toujours du fait que ça peut être très compliqué et bizarre (avec toujours un goût particulier pour les parents qui ne tiennent pas debout et les grand-mères bizarres mais qui assurent malgré tout). Mais ici, elle parle aussi beaucoup d’identité, et en particulier d’intersexuation. Dans un cadre étrange (de fonctionnement sectaire raconté de l’intérieur, donc utopique et aimant, même si…), mais qui permet de traiter le sujet de manière inattendue et franchement profonde et touchante. Elle parle du coup aussi beaucoup de normalité, d’utopie et d’amour. Et c’est beau. Je donne peut-être trop l’impression que c’est un essai, mais pas du tout. C’est un roman touchant avec une narratrice marquante qui évolue beaucoup. Avec une vraie fin forte d’ailleurs. Ce foisonnement qui pourrait être confusion est porté et permis par une écriture ciselée et puissante, très travaillée mais sans en devenir lourde ou démonstrative. Je continue à beaucoup aimer, mais je continue à penser qu’il ne fait pas lire ça trop vite ni en enchainer trop. Et même comme ça, d’aucun-es pourraient légitimement trouver que c’est trop chargé, trop dense ou trop artificiel. Vous n’avez qu’à essayer. Et celui-ci étant finalement plus clairement politique et engagé (sans être un plaidoyer directement), ça peut être un bon point d’entrée.