
J’ai hésité, et hésité, avant de craquer pour cette grosse BD pour enfant, parce qu’une adaptation de Beowulf, ça semblait pas forcément abordable, parce que c’est en noir et blanc… plein de mauvaises raisons, puisque cette BD est mon vrai gros coup de cœur du moment ! Pour resituer, donc : Zach Weinersmith est, entre autre, l’auteur de SMBC (comics en ligne très alimenté de sciences et de philosophie, que j’aime vraiment bien) ; Boulet est un dessinateur de BD connu notamment pour son blog, et dont j’aime vraiment le trait rond et contrasté ; Beowulf est le plus vieux poème épique en langue (proto) anglaise. Le poème d’origine est chelou, bancal mais assez fascinant, et long aussi. Il est ici transposé à l’époque moderne, avec des enfants et une héroïne (Béa Wolf donc), opposé-es à un monstre, qui est un adulte normatif des plus chiants. Le résultat est tout aussi chelou et bancal, et peut-être encore plus fascinant et enthousiasmant. En termes narratifs, ça marche hyper bien, le coté épique prenant une dimension très naturelle dans une bouche d’enfant, et la joie héroïque du débordement enfantin opposée à la tristesse de la norme donnant un sens et un moteur parfaits. J’ai apprécié profondément le fond, alors que le pari était osé, et tout autant la forme. Le texte est calqué sur l’esprit du poème d’origine : en stances, plein d’allitérations, de césures et de grandiloquence. Et c’est très bien traduit (même si ça me donne grave envie de le lire en anglais), ce qui fait que c’est un plaisir à lire, et encore plus à lire à haute voix, parce que c’est fondamentalement fait pour. Le dessin de Boulet est également parfait : rond et élégant, plein de détails et de références, et pourtant avec un élan et une énergie héroïques parfaites. C’est vraiment très beau. Comme je le disais, gros coup de coeur en ce qui me concerne, et il se trouve qu’il est pleinement partagé (parce que Béa Wolf, elle est trop forte, et trop cool, et trop belle (sans jamais sortir d’une représentation enfantine ou être sexualisée de quelque manière (ouf, merci))). J’espère très fort que les deux auteurs s’attaqueront à la suite, parce que oui, ce n’est que la première partie de Beowulf, là 😉
