Zora Neal Hurston est souvent citée comme une des premières grandes autrices noires américaines, et souvent pour dire qu’elle aurait mérité bien plus de reconnaissance. Alors j’ai été curieux. Et oui, il y a là une autrice remarquable. D’abord, il y a une écriture. Une écriture puissante et juste, mais aussi unique en ce qu’elle même un registre littéraire classique et maîtrisée, et une langue créole bâtarde pleine de couleurs et de formulations orales. Ce qui est d’ailleurs extrêmement bien rendu en français, avec des tournures cajun et mêlant inspirations anglaises et français ancien. Ce qui a d’ailleurs des échos québécois, sans en être réellement. C’est dépaysant, et c’est beau. En termes de langue même, c’est un voyage et une confrontation à une altérité sociale et raciale. Ce qui suffirait à mériter la lecture, à mon sens, et à faire les efforts de concentration que ça demande. Mais il y a aussi un récit. Celui d’une jeune femme noire, élevée juste à la sortie de l’esclavage par sa grand-mère de manière assez privilégiée (culturellement uniquement) et qui va devoir se marier. Pas avec n’importe qui. Et ça ne va pas vraiment lui convenir, mais pas pour les raisons qu’on pourrait attendre. Ce qui en fait un roman sur la condition noire et populaire du début du vingtième au USA, mais surtout un roman sur un parcours d’émancipation féminine, et au final une histoire d’amour. C’est riche et c’est émouvant. Si vous êtes sensibles aux écritures singulières et à l’histoire des Etats-Unis vue depuis les pauvres, c’est une œuvre à ne pas rater.