Léonora Miano écrit bien. Commençons par là, parce que c’est important. Elle est romancière (et a priori pas mal connue pour ça) et si ici elle propose un essai, c’est un essai fluide et vraiment agréable à écrire, avec un sens du rythme et de la formule très agréable. Et avec une dimension sensible et personnelle, rendue particulièrement concrète par les nombreuses références à des œuvres littéraires et cinématographiques. C’est sur cette base que Léonora Miano propose une analyse de ce qu’est la blanchité. Son propos principal est de montrer que la blanchité est bien un rapport de domination, c’est à dire qu’il ne s’agit pas d’une couleur de peau (en tout cas ce n’est pas ça qui ets déterminant) mais bien une construction politique et symbolique. Et cette construction est basée de manière très profonde sur une intention et une culture de la domination, et donc, pour reprendre ses mots, de conquête et de crime. Elle en montre rapidement l’histoire, mais sans s’appesantir car on la trouve mieux ailleurs. Elle montre de manière bien plus détaillée et inhabituelle la manière dont cette blanchité se définit et se met en scène elle-même dans ses productions culturelles. Et c’est passionnant. Pas réjouissant du tout, mais passionnant. Ce qui lui permet de conclure que la blanchité est bien un problème, et que c’est même le problème central du racisme, plus que la racisation des dominé-es (idée dont les conséquences sont passionnantes), et que la blanchité est l’opposé de la blancheur, parce que bâtie sur des rapports criminels et une histoire sanglante. Il n’est, dans cette perspective là, pas possible de penser sa blanchité comme une neutralité, ou comme extraite de cette histoire, parce qu’elle est toujours ce rapport de domination et qu’elle en bénéficie toujours. C’est un texte à la fois abordable et puissant. Qui bien sur fonctionnera d’abord pour celleux qui sont prêt à se questionner honnêtement sur leur place de blanc, d’entendre une voix noire sur ce sujet, une voix critique et réfléchie. On a du boulot à faire sur la question du racisme, un boulot de fond culturel, et Léonora Miano donne de l’espoir et des perspectives de travail bienvenues.