
Je travaille depuis un moment la question du conflit et de l’animation de temps de parole conflictuels (dans le cadre professionnel, hein, même si honnêtement la question du conflit m’occupe largement aussi à titre personnel). Dans ce cadre là, j’ai croisé des références à ce bouquin à plusieurs reprises. Et… j’ai carrément bien fait de le lire. Et : j’ai aussi bien fait d’attendre maintenant pour le lire. C’est un livre qui me donne beaucoup à réfléchir, mais que j’aurais eu du mal à aborder correctement si je l’avais lu plus tôt. Pour des questions de cadre théorique, et même épistémologique. Arnold Mindell mélange en effet des éléments de psychologie (il est psychologue pour de vrai), de spiritualité, de psychologie sociale (avec une lecture sérieuse et radicale des rapports sociaux) et des arts martiaux aussi un peu. Le genre de mélange qui me rend toujours soupçonneux. Dans le cas présent, il y a deux éléments qui font que je ne bloque pas (ou en tout cas pas trop, il y a encore des trucs qui me grattent) : d’une part ce qu’il raconte est très raccord avec ce que j’ai pu trouver et utiliser jusque là (et qui est plus dans les références épistémologiques que je juge acceptables) et d’autre part le fait qu’il ait une pratique de longue date dans des cadres réels et particulièrement tendus. Et plus les années passent, plus la légitimité des praticien-nes est quelque chose que je défends. Au-delà de ces atermoiements de principe, c’est un livre qui m’a vraiment passionné d’un bout à l’autre et sur lequel j’ai pris des tas de notes. L’idée de fond est d’être capable d’accompagner des groupes dans la confrontation conflictuelle pour de vrai, en faisant émerger les non-dits, en faisant apparaître les blocages culturels, et en comptant sur le groupe lui-même et sa fluidité pour trouver une issue productive et potentiellement inattendue. C’est convaincant, même si ça semble un peu flou comme ça. Qui plus est, les longs développements sur la manière de s’y prendre concernent des enjeux de posture très fins, de dynamique collective élaborés, sur un fond très radical de prise en compte des dominations. Et ça me parle grave. Au-delà de l’approche développée ici. Bref, un livre qui m’ouvre pas mal de perspectives. Je suis en train de lutter contre mes freins (le côté jargon anglicisant, le côté vieux consultants blancs) pour aller voir les formations et autres livres issus de cette approche. Au final, un livre très riche et assez inclassable, dans lequel je pense que tous-tes celleux qui s’intéressent au conflit trouveront à se nourrir.Et en version française (avec des anglicismes) : https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/asseoir-au-coeur-du-feu-comment-processwork-transforme-conflit-en