Voilà longtemps que je ne m’étais pas lancé dans de la littérature au sens habituel, mais sur les conseils d’une libraire avisée, j’ai découvert Emmanuelle Bayamack-Tam. Franchement, c’est une claque. A double titre. D’abord, c’est magnifiquement bien écrit. C’est rythmé, coloré et inattendu, et c’est surtout mordant et vif sans jamais se départir d’une sensibilité remarquable. Elle a un sens de la formule et de l’image qui par la fascination esthétique donne une force immense à ses observations aiguisées et brulantes. Parce que outre la forme, le fond tabasse. Dans une veine sociale et familiale, avec le parcours d’une enfant qui devient une jeune fille dans un contexte de violence symbolique énorme. Plus clairement : en grandissant entouré d’adultes parfaitement immatures et préoccupé-es de leur nombril et jamais des enfants. Ce qu’elle décrit en gardant à chacun-e toute son humanité et toute sa logique interne, aussi néfaste soit-elle pour celleux qui entourent. C’est la maltraitance sans le faire exprès, sans même s’en rendre compte, avec une bétise joyeuse et sans complexe. Ce qui est à la fois drôle, profondément cruel, et terrifiant. D’autant plus porté par une telle écriture et un tel sens de la formule et des situations. Il y a une grande partie du livre que j’aurais pu lire juste pour sa musique, comme une poésie. Mais ce n’est pas possible tant l’histoire est forte et la voix de la narratrice émouvante et déterminée à vivre malgré tout. C’est un roman que j’ai trouvé magnifique autant que fort, un plaisir mais jamais un repos.