Le constat de départ de Pierre Rosanvallon est le suivant : il y a des mouvements sociaux et des enjeux forts que la lecture par classes sociales ne permet pas d’expliquer et d’éclairer aujourd’hui de manière satisfaisante. C’est un constat sur lequel je ne suis pas entièrement convaincu encore mais il l’argumente de manière documentée et intéressante, en lien notamment avec les gilets jaunes et les mouvements de révolte actuels. Sur cette base, il prend un chemin tout à fait intéressant qui est celui non pas de la description statistique, puisqu’il la juge insuffisante, mais celui du vécu en termes d’épreuves. Il propose trois grandes preuves sociales qui sont le moteur de revendications et de prise de conscience : le mépris, l’injustice (notamment celle des discriminations) et l’incrtitude. Je trouve vraiment éclairant de poser la question de ce qui est vécu et ressenti, et de constater que ça ne recoupe pas nécessairement complètement les divisions sociologiques habituelles. D’une part, ça donne une dimension incarnée qui permet de comprendre. Et d’autre part, et c’est ce qu’il veut esquisser, ça donne des pistes et des directions pour reconstituer des collectifs à partir des préoccupations réelles et d’envisager d’autres stratégies de transformation sociale. Pour lesquelles Rosanvallon vise plutôt une approche réformiste, mais ça ne change rien au fond de son analyse. Je ne sais pas au final si je suis entièrement acquis à cette perspective mais je la trouve en tout cas extrêmement intéressante et utile pour compléter des regards sociologiques plus habituels. Peut-être que j’en resterai là, et peut-être que j’intègrerai plus complètement cette nouvelle grille de lecture, mais dans les deux cas je ne regretterai pas cette lecture. En termes de lecture justement : on est dans un essai théorique. Dans un language et une structure abordables et lisibles, mais on ne peut pas dire que ce soit particulièrement vif ou plaisant à lire. Au moins, ce n’est pas dans la forme lourd ou désagréable.