Kevin Lambert est québécois, ce qui donne à ce roman un contexte auquel je trouve, sans surprise, un certain charme, et quelques expressions typiques, mais c’est ceci dit assez secondaire. Sous-titré fiction syndicale, querelle suit un mouvement de grève dans une scierie du Lac St Jean, loin dans les forêts canadiennes. Avec une ambiance de petite ville dans laquelle tout le monde se connait, et dans laquelle l’impact des politiques libérales est tout sauf anecdotique. Donc grève, longue et dure. Et un petit collectif avec ses tensions, ses personnages et leurs contradictions. Il y a de la finesse et de l’émotion dans les portraits de ces ouvriers et ouvrières, de leurs parcours, cul-de-sac et espoirs déçus. Et si le roman s’en était tenu là, ça aurait été une fiction syndicale, effectivement, jolie et touchante mais peut-être pas si marquante. Mais il y a querelle, un ouvrier gay, venu de la ville, qui attire et initie les garçons du coin, avec nonchalance et gloire, avec une certaine errance aussi. Et par son biais, tout est perturbé, et au final tout part en vrille. Et le roman devient plus trash, plus violent aussi et vire au chaos social et fictionnel. Ce que j’ai trouvé à la fois amusant et dérangeant. Il y a quelque chose de la catharsis chaotique, une dimension excessive et ambigüe dans la manière dont la situation dérive et se conclut. Ce qui en fait un roman que j’ai trouvé marquant et ambitieux mais dont je garde un sentiment ambigu (ce qui est intéressant en soi, notez).