Edouard Louis a déjà beaucoup écrit sur sa famille et ses origines, de manière forte et touchante. Il a écrit pour en sortir, dans l’émotion et le besoin de fuite. Maintenant, il en est sorti et il est en position de regarder autrement son parcours et de se regarder dans ses évolutions, dans ses transformations de transfuge de classe. J’ai trouvé ces questions encore plus intéressantes et touchantes que ce qu’il écrivait jusque là. Il raconte ses stratégies, la manière dont le besoin brûlant de s’en sortir l’a amené à se comporter, à ressentir et à se transformer (notamment physiquement). Ce n’est pas toujours glorieux, ni héroïque, ni gentil, et il ne s’en cache pas. Il montre, il explique pourquoi il avait besoin de ces stratégies, de cette haine de sa famille aussi, et de comment il en est sorti. Il parle de la honte aussi, dans ses différentes dimensions : honte de classe, mais aussi honte des choix qu’il a fait pour s’en échapper. C’est cette mise à nu, ce dévoilement, et finalement le courage de cette lucidité que j’ai trouvé marquant et très fort. Non que son parcours ne soit pas en pratique éclairant sur les obstacles et enjeux sociaux mais c’est cette dimension critique et introspective qui lui donne une ampleur et une profondeur remarquables. J’ai vraiment bien aimé et c’est sans doute un livre que je vais recommander régulièrement sur le sujet des transfuges de classe, d’autant que c’est d’une écriture accessible.