
Ca faisait longtemps que j’avais envie de comprendre plus en détail l’histoire et les enjeux politiques de la sécurité sociale (le film de Gilles Perret, La Sociale, n’y est pas pour rien (si vous ne l’avez pas vu, je vous le recommande très vivement)), et c’est exactement ce que j’ai trouvé dans ce livre passionnant. La perspective générale d’analyse m’a ouvert de belles perspectives et est très éclairante : ne pas opposer simplement le privé et le public mais considérer l’opposition fondamentale entre l’État social (le public étatique) et la Sociale (le public non-étatique, c’est-à-dire dirigé directement par les concerné-es). C’est avec ce prisme que l’auteur fait une relecture de l’histoire des politiques de santé. En partant de la Révolution française et du basculement du féodalisme à la recomposition autour de l’Etat et de son refus de prendre en charge la solidarité, puis en passant par la Commune comme premier vrai essai de modèle de La Sociale, et enfin en éclairant la naissance de l’Etat Social comme conséquence directe et inévitable de la Guerre Totale menée par l’Etat, avec au milieu de tout ça l’émergence du mouvement mutualiste et sa domestication par l’Etat. Cette relecture clairement politique est passionnante, exposée et analysée, et très prenante, tout en étant bien sûr tout sauf neutre et ce de manière transparente. Après quoi, la mise en place de la Sécu est analysée selon le même prisme conflictuel entre État social et La Sociale, et s’ensuit toute l’histoire de reprise en main de la sécu par l’Etat social en alliance avec le capital pour la sortir du contrôle populaire et ouvrier. Jusqu’à aujourd’hui et à la crise du covid. C’est follement éclairant, et important. C’est aussi glaçant quant à l’état actuel du système, mais puissamment mobilisant en termes de compréhension et de perspectives de lutte. Alors oui, ce n’est pas a priori un sujet follement sexy, et c’est un peu pointu (mais la forme est accessible), mais c’est très éclairant sur un sujet qui concerne réellement tout le monde.