Chesterton est un auteur anglais classique et réputé (ainsi qu’un apologiste renommé du catholicisme, de manière amusante) et j’y suis venu par Pratchett qui parlait de manière élogieuse de ce petit roman inclassable. Si vous voulez profiter pleinement de sa bizarrerie, il vaut mieux que vous ne lisiez pas plus avant. Parce que oui, c’est bizarre, et d’une manière qui m’a pas mal plu. La mise en œuvre est entre le policier et l’espionnage, avec des personnages un peu extravagants et la peur (ou l’espoir, selon) d’une grande conspiration mondiale anarchiste et nihiliste à laquelle on prêterait une ampleur et une puissance terrifiantes. Sauf qu’on reste en pratique dans un cadre intimiste de personnages étranges, peu nombreux et aux personnalités et convictions colorées. Et tout ça glisse doucement, et avec humour, vers un déraillement halluciné et pourtant cohérent. C’est suffisamment fantasque et rythmé pour que ce ne soit pas ni sombre ni réaliste mais c’est en même temps prenant et sensé. Avec un final que je ne veux pas révéler mais qui rend l’ensemble étonnant (et précurseur de certains genres actuels). C’est un voyage qui m’a amusé et dont j’ai apprécié l’étrangeté, l’astuce et l’humour. Et tout ceci est aussi dû au fait que ce soit vraiment très bien écrit, dans une langue classique mais pas lourde, avec un sens des formules mais aussi des ambiances et des émotions très efficaces. J’ajouterai un coup de cœur pour le poème qui ouvre le texte et qui donne la mesure de la dimension personnelle qu’ont les grandes interrogations qui font la trame de fond du récit.