
Surfant sur l’actualité, je me lance enfin dans Annie Ernaux. Et mon impression centrale : elle fait plonger brillamment dans le terrifiant de la normalité, dans la facilité glaçante de la domination quotidienne. Personnellement, je trouve ça infiniment plus marquant, et plus flippant, que tous les films d’horreur. Et tout ça en racontant très simplement et fidèlement sa vie, qui ressemble parfaitement à celles de beaucoup de femmes. Ici, il s’agit de son enfance puis de ses études, en y montrant comment ça l’a construite socialement en tant que femme qui pensait ne pas vouloir un destin féminin… et ensuite la bascule vers le mariage, les enfants et l’enfermement dans un rôle genré et une vie domestique de mère. Et on sait la bascule à venir dès le début, ce qui donne à l’ensemble une vraie tension, un suspense, une épée de Damoclès. Et autant j’ai eu un peu de mal à y entrer, autant ça paie sur la longueur (enfin, manière de dire, parce que c’est un roman court): j’ai trouvé la dernière partie complètement captivante (et glaçante), parce qu’il y a eu tout le contexte avant en grande partie. Et pour la forme, il se trouve que j’aime bien son écriture, ses phrases qui n’en sont pas, le côté haché et les rebonds d’une idée à l’autre, les références et clins d’oeil en passant, tout ça fonctionne bien pour moi. Même si du coup, ça demande de l’attention, parce que ce n’est pas un flot lent et attendu. Avec tout ça, je suis bien content de cette découverte (et en même temps, vu toutes les personnes bien qui la recommandent, je ne suis pas surpris) et je vais continuer. Accessoirement (ou pas du tout), je pense que mon impression de lecture est très masculine, et que l’impact est différent pour des lectrices (et certainement aussi bien et importants. enfin : sans doute plus), et c’est parce qu’elle réussit très bien à exposer un vécu féminin avec force et acuité.