
La place de la colère, et la capacité à la revendiquer et la mobiliser m’intéressent grandement et me semblent cruciales dans les luttes féministes mais plus largement dans les luttes émancipatrices. Pauline Hermange a regroupé ici un beau panel d’autrices pour explorer cette question. Son texte introductif donne bien le ton et l’intention : c’est essentiel de s’approprier sa colère mais c’est aussi une vraie position de privilégié-e de penser que ce soit facilement ou également accessible. Et ça, c’est une perspective dont je n’avais pas perçu toute l’importance et qui fait que ce livre ne m’a pas seulement convaincu et motivé mais m’a aussi surpris et fait ouvrir les yeux, ce que j’ai beaucoup apprécié. Certains textes à des endroits que j’attendais, qui sont forts et réussis, comme la fiction glaçante disant la colère rentrée et sans issue d’une mère de famille des plus normales dans son quotidien de tâches domestique et de relation de couple inégalitaire et vide d’amour. D’autres offrent des regards différents et puissants, en particulier sur l’illégitimité et les obstacles sociaux (potentiellement internalisés) à la colère des personnes racisées. Avec plusieurs perspectives, dont celles des mères vivant le racisme à travers leurs enfants. Ces textes m’ont vraiment permis une prise de conscience importante, et m’ont touché (bon, ok, tous les textes m’ont touché). L’ensemble vaut donc vraiment le coup, dont les poèmes brûlants qui encadrent le tout. Et l’objet fait honneur à la qualité des contenus : c’est un beau livre (même si le fluo à la mode chez les graphistes a quand même tendance à m’arracher les yeux (j’ai vécu les années 80, j’ai eu ma dose de fluo, merci bien !)). Vraiment, un livre qui vaut le coup.