Ami·es de l’éco-anxiété, bonjour, voici un roman entièrement pour vous. Ou entièrement pas pour vous, selon où vous en êtes de mettre la tête dans le sable pour garder un moral viable (et moi-même, hein, ça dépend franchement des jours). Kim Stanley Robinson s’attaque donc à la catastrophe climatique en cours sous forme de roman d’anticipation, en se concentrant sur les décennies à venir. Ce n’est donc pas joyeux comme perspective et il n’y va pas avec des pincettes. Il y va par contre avec beaucoup de rigueur et un énorme travail de documentation et de recherche. J’aurais tendance à dire : comme toujours en ce qui le concerne, tant c’est le cas de tous ses romans, mais je crois que c ‘est encore plus le cas ici. Et il y va avec une perspective optimiste. Entendons-nous : rien de naïf, il ne prétend pas que ça va bien se passer, du tout, mais il esquisse un scénario à coups de multiples solutions et sursauts radicaux, pour traverser le pire sans que tout s’écroule. Et je trouve qu’il vise juste et avec un regard radical en termes de choix de civilisation et de contraintes politiques (et donc, oui, il parle de sortie du capitalisme, sans naïveté). Il y a un petit coté boite à outils /manuel (comme dans la trilogie martienne) que je ne trouve pas désagréable. Bon, ceci dit, ça remue le ventre, profondément, et il faut être prêt·e à se confronter à tout ça. Je trouve que la forme roman aide pour ça, et elle est ici tout à fait étonnante. Il y a un fil rouge avec quelques personnes et des enjeux humains mais c’est un peu annexe : il réussit à faire avant tout une histoire future avec la civilisation et la catastrophe climatique comme personnages centraux, en gardant du rythme et de l’énergie et même régulièrement de l’humour et de la poésie. Et pour garder le rythme avec un contenu colossal, il écrit certaines parties de manière très rapide et synthétique, sous forme de compte-rendus de rencontres et de réunions. C’est étonnant mais en ce qui me concerne, ça a très bien fonctionné. Un roman que je ne peux que recommander si vous êtes prêt-e à un gros pavé et que vous avez le cœur bien accroché.