
La grève des ovalistes, qui a eu lieu à Lyon au milieu du Xixe siècle, est un moment important de l’histoire ouvrière, et en particulier de l’histoire ouvrière féminine. Et pourtant, elle est tellement peu citée que vous n’en avez probablement jamais entendu parler outre ce livre, il y a un numéro des rues de Lyon, pour info). Les ovalistes étaient des ouvrières spécialisées du filage, employées dans des conditions d’exploitation encore plus marquées que leurs homologues masculins, notamment parce qu’elles étaient logées dans leurs ateliers (et pas gratuitement). Elles lancent une grève massive pour revendiquer l’accès à des logements autonomes, une réduction du temps de travail (qui était à douze heures par jour) et une augmentation de salaire. Le mouvement est exemplaire, et exclusivement féminin dans un premier temps, fait scandale et finit par être soutenu par notamment la jeune AIT. Enfin… soutenu, pas vraiment, il va surtout être récupéré par les hommes de l’AIT pour alimenter prestiges et luttes internes. Et vidé de ses revendications d’une manière tellement ouverte et flagrante qu’on ne peut qu’en être scandalisé. Et mesurer du coup à quel point même l’avant-garde du mouvement ouvrier n’est à l’époque pas du tout féministe (et je ne parle même pas de ce gros con de Proudhon). Les autrices décrivent ces évènements et ces avanies de manière très documentée (malgré le peu de traces) et sobre : C’est un livre d’historiennes visant à servir de référence, ce n’est ni un pamphlet ni un roman. C’est donc un peu austère en termes de forme mais ça ne m’a pas freiné tant le fond est une découverte passionnante.