
Voltairine de Cleyre est raisonnablement inconnue et c’est bien regrettable. Anarchiste, et féministe, états-unienne de la fin du XIXe, elle était décrite par Emma Goldman comme la plus douée et la plus brillante de sa génération. En la lisant, on n’a pas envie de contredire. Voltairine de Cleyre écrit bien mais elle écrit surtout avec une conviction et une acuité remarquables. Elle écrit sur l’anarchisme avec brio et un enthousiasme contagieux, et sans verser dans des querelles intestines ou des débats de spécialistes. Tout en restant solide et documentée. Elle écrit aussi sur les grands enjeux politiques de son temps, et ça a été pour moi un apport bienvenu et enrichissant. Et enfin elle écrit sur la question de la femme, pour reprendre la formule de l’époque, avec force et avec là encore une acuité étonnante. On y trouve des analyses et argumentaires non seulement d’actualité mais qui sont très proches de descriptions de sciences sociales contemporaines sur ce sujet. Et dans ces textes, peut-être même plus sur les questions politiques, elle assume un point de vue situé et parle d’elle. Ce qui renforce son propos mais donne également une image d’elle que je ne peux que trouver admirable. Une femme, et des textes, qui mériteraient tellement une place dans nos manuels d’histoire (on peut rêver, non ?). Une chouette lecture, un peu spécialisée : je suis content que Baillargeon et Santerre aient fait ce boulot d’exhumation, ça mérite. Et : ça finit en beauté avec quelques poèmes, pleins de colère et de joie.