J’ai mis longtemps à me décider à lire ce livre : parce que j’avais oublié à quel point Baricco écrit bien. C’est un choc à chaque fois. Une surprise que ce soit aussi beau, aussi fin, aussi bien construit. Il y a une forme de grâce, sans qu’il y ait quoi que ce soit d’affecté ni d’artificiel. Et sans, non plus, que la forme l’exempte de raconter une histoire ni de mettre en lumière des choses profondes. Il relate ici le parcours de quatre amis à l’aube de devenir adultes. Issus de la classe moyenne catholique, de la petite bourgeoisie morale, croyante et mesurée, ils vont se confronter au fait que rien n’est aussi simple et tranché que ce qu’ils croient, que ce qu’on leur a donné à croire. Ni leurs proches, ni la foi, ni le monde, ni le bien et le mal et ni, surtout, eux-mêmes. C’est donc aussi une histoire d’émancipation, mais réelle, complexe et douloureuse. Ce n’est ni un conte de fée ni une fable morale. Et c’est donc triste et joyeux, complexe et plein de finesses, et, bien sûr, émouvant. Baricco a un vrai génie pour, de son écriture ciselée, faire vivre avec une évidente clarté les pensées et la vie intérieure de ses personnages. Sans, pourtant, les exposer d’une lumière trop crue ou analytique : en nous y plongeant avec tous leurs non-dits, leurs impensés et pourtant leur cohérence. Et c’est, au final, aussi un roman sur les évidences qui nous entourent et nous font, et que pourtant nous ne savons pas voir.