
Ann Leckie a une vertu indiscutable : elle sait utiliser des cadres classiques et établis pour raconter des choses inattendues. Ici, le cadre semble au premier abord médiéval-fantastique, avec un héritier au trône qui a la classe. Sauf que c’est à son écuyer que s’adresse le-la narrateurice (le livre est en « tu », et il y a ô combien une raison à cela), et que l’on va découvrir la place inédite des divinités dans ce monde. Et quand on commence à se repérer vaguement, la perspective change profondément, sans qu’ on comprenne tout de suite pourquoi. Il y a un vrai côté théâtre d’ombres et jeu avec les attentes des lecteurices dans tout ça. Qui fonctionne bien en ce qui me concerne, même si je me dis que c’est aussi au détriment de l’histoire. Parce qu’il y en a une, mais elle n’est pas si centrale en termes de ressenti. En fait, au final, j’ai l’impression que rien n’est complètement central. Ce qui est aussi une subversion des cadres classiques (du med-fan entre autres). C’est un roman que j’ai bien aimé, dont j’aime certaines idées et certaines émotions, mais dont je garderais plus une admiration pour l’expérience littéraire que parce que j’y ai vécu une expérience de lecture forte ou marquante.