
Ada Palmer fait dans ces deux premiers tomes de sa série Terra Ignota un boulot tout
à fait impressionnant. Elle construit un monde futuriste, une utopie mondiale, extrêmement riche et maline. Avec des systèmes politiques qui soulèvent plein de questions, des avancées technologiques aux impacts réfléchis et une évolution culturelle très astucieuse et profonde sur l’encadrement rigoureux (et inattendu sur la forme) de la croyance religieuse ainsi qu’une suppression active et argumentée des codes de sexe et de genre. En termes de monde, donc, il y a de quoi faire. Elle y ajoute des personnages nombreux et hauts en couleur, ainsi qu’un narrateur absolument pas fiable mais vraiment plein de surprises et de profondeur qui rédige dans un style XVIIIème. Parce que oui, le scénario, et le propos de fond, sont d’abord basés sur les philosophes des Lumières et leurs questionnements (Sade compris, de manière assez centrale). Ce qui donne un tour très baroque à l’ensemble. Et je ne vous ai pas encore dit qu’il y avait aussi une note franchement mystico-fantastique avec des miracles. Donc : ça fait beaucoup. Tout est malin, et réfléchi. Mais il y en a vraiment beaucoup (ah oui, il y a aussi de la grosse enquête policière). Ce qui fait que je trouve l’ensemble tout à fait impressionnant et prenant mais en même temps fatiguant et un peu laborieux en termes de rythme, même si c’est bien écrit. C’est intéressant, novateur et ça ne ressemble à rien d’autre, donc si vous êtes curieuses des nouvelles voix originales de la Sf, ça vaut certainement le coup d’essayer mais en se disant qu’il va falloir de la concentration et de l’endurance.
