
J’avais été marqué par La haine de la démocratie, de Jacques Rancière, et la longue histoire de défiance et de rejet de la démocratie, toujours très présente bien que plus perversement dissimulée. Ici, David Graeber explore les mêmes questionnements, avec un prisme que je trouve très complémentaire et précieux. Il déconstruit d’abord l’idée que le concept de démocratie soit occidental, armé de ses talents d’anthropologue, et montre à quel point cette confiscation est une approche coloniale et empreinte de culture universitaire et élitiste. Et il montre ensuite les résistances profondément politiques des dominants de toutes les époques aux velléités de démocratie. Enfin, il met en lumière le fait que plusieurs sociétés non-occidentales avaient des fonctionnements profondément démocratiques (notamment chez les amérindien-nes) et comment c’est aux marges, systématiquement, des grands empires et des grands systèmes de pouvoir, dans les interstices, que ce sont expérimentées et développées les pratiques démocratiques dont une partie a été adoptée dans nos systèmes politiques actuels. Tout ça avec un prisme anarchiste et donc une vision radicale et ambitieuse de la démocratie. C’est inspirant et ça ouvre plein de perspectives (dont celle de réformer la manière dont on transmet l’idée et les valeurs démocratiques). Et c’est agréable à lire, et court puisqu’il s’agit à l’origine d’un gros article. Une fois de plus : lisez David Graeber.