Quand on sait qu’il s’agit d’un des textes de sciences sociales les plus cités au monde, on se dit qu’il était plus que temps qu’il soit réédité en français, quarante-sept ans après la première édition (qui était plus qu’épuisée, donc…). De manière plus pertinente, ça méritait d’être ré-édité parce que c’est un texte inspirant qui n’a rien perdu de son actualité. Paulo Freire pose les bases de la pédagogie critique, et en particulier ses intentions politiques. C’est un texte (et une démarche) éminemment politique, qui vise à donner au plus démunis (les damnés de la terre, et ce n’est pas une image : on parle des populations pauvres, et en particulier rurales, d’Amérique du Sud au milieu du vingtième siècle) les moyens de comprendre leur situation sociale et politique et d’agir dessus. En ne les prenant pas pour des con-nes mais avec une préoccupation permanente de les (et de se) réhumaniser. Avec un arrière-plan révolutionnaire affirmé et rafraîchissant en ces périodes réactionnaires. C’est donc une posture et une démarche avant tout, et elles sont bien explicitées et convaincantes. Et sur cette base, c’est aussi une méthode. Enfin, les grandes lignes d’une méthode, puisque c’est à adopter et à réinventer en fonction de chaque contexte. C’est pour le coup la seule faiblesse que je trouve à ce livre : certains éléments de méthode sont du coup décrits de manière tellement abstraite et théorique que j’ai eu du mal à les saisir (mais ce n’est pas une grosse partie de l’ensemble). En préambule, une présentation de l’œuvre et de l’auteur par Irène Pereira (qui d’autre ?): toujours limpide et synthétique. C’est donc un classique qui mérite ce statut et que j’ai lu avec grand intérêt.