
Un carnaval baroque et dégueulasse, une chasse sauvage et macabre mais aussi un exorcisme de notre société industrielle et un exutoire pour nos angoisses de fin du monde. Encore une fois, Christophe Siébert vient nous remuer là où ça fait mal, là où ça fait peur. Mais pas pour s’y vautrer ou s’y complaire – pour y faire face, pour être en colère et l’exorciser avec la violence chaotique d’un rite païen. Sans se contraindre à rester mesuré et poli. Suite de Images de la fin du monde, Feminicid navigue dans les mêmes eaux, creuse les mêmes sillons. Avec la même hargne en arrière-plan, et avec la même qualité d’écriture. Avec une composition peut-être un peu moins chaotique mais en gardant une structure de puzzle : ludique, ce qui donne vraiment la sensation de suivre le cheminement de l’enquête, zones d’errances et d’ombre incluses. Il parle par contre moins des mystiques et des marginaux et plus des apparatchiks et des profiteurs ou système. Ce qui n’en est que plus dégueulasse et c’est un parti-pris qui me va bien. Et, d’une manière qui m’amuse beaucoup, c’est aussi un roman qui s’inscrit à plein dans le mythe cthulien. Et qui l’adapte mieux à l’époque moderne que tout ce que j’ai lu d’autre parce que là, oui, c’est horrible et ça vient toucher nos angoisses et nos travers d’aujourd’hui. Comme toujours je trouve ça brillant et je l’ai dévoré. Comme toujours, ce n’est pour vous que si vous pouvez supporter un niveau conséquent de gore et dégueulasse : mais pas pour le glorifier. Parce « tenir le procès des individus responsables ne suffit pas si dans le même temps on n’instaure pas celui du monde qui l’a rendu possible ?”