Quand on parle égalité, et féminisme notamment, on peut théoriser (et c’est très précieux) mais c’est important aussi de montrer la dimension vécue et sensible, quotidienne de ce qui se joue là. Dans des petits gestes et réactions qui peuvent passer inaperçus et peuvent sembler insignifiants mais qui au contraire sont pleins d’injonctions et de rappels des rôles et des normes. Et c’est bien ça que Violaine montre ici, en le racontant, en le faisant vivre dans des petits récits incarnés et réels. Ce qui est du coup touchant, en sollicitant l’empathie et l’émotion, en se mettant dans la peau de pour un court moment. Et ce choix de petits formats, de vignettes instantanées fonctionne à mon sens très bien. Parce que c’est moins intimidant et que ça ne freine pas si l’une nous parle moins. Et parce que, surtout, ça permet de varier sans contorsions littéraires les thèmes comme les points de vue. Je trouve particulièrement bienvenu d’avoir des narrateurs et narratrices différents (même s’ils et elles ne sont pas identifié-es, c’est apparent): ça permet à des lecteurices variées de se reconnaître, et de se glisser dans des peaux différentes, et du coup de mesurer à quel point il s’agit d’un système nous incluant toutes et tous. J’ai vraiment apprécié, sans surprise pour le propos, mais tout autant pour la forme, bien écrite et permettant de ressentir. Tout cela fait la première partie et, clairement, le cœur du livre. Mais ce n’est pas tout pour autant. La seconde partie donne de manière synthétique et probante les grilles de lecture et les données pour comprendre et mesurer ce qu’est le système de normes de genre et ses effets. Notamment ses effets très matériels en termes d’inégalités de ressources et de parcours professionnels (mais pas que, hein). Ça reprend vraiment à ce que j’ai entendu et apprécié en formation (et que raconte parfois à mon tour): de quoi ouvrir les yeux et être persuadée de pourquoi il le faut. C’est vraiment un livre que je trouve, par cette complémentarité entre les deux parties et par le parti-pris de la première surtout, très agréable et très utile. Je vous le recommande.