
Attention, ce livre est exceptionnel. François Ruffin et les éditions fakir ont entrepris de le rééditer parce que c’ est un de leur livres culte, et je les comprends. Il s’agit de la première œuvre de Jean Teulé, bien avant qu’il devienne romancier. Et on y retrouve sa verve et son brillant talent d’écriture, ainsi que son humour, qui est plus tranchant, et son cynisme, tourné tout autant contre le monde que contre lui-même. En termes de forme, il s’agit d’un hybride entre le roman-photo (les photos étant régulièrement repeintes en partie, d’une manière que je trouve très belle) et la BD. Et sur le fond, il s’agit de reportage, courts, qui sont le plus souvent des portraits, mais aussi parfois des lieux ou des événements. Teulé y brille par sa finesse dans la manière dont il expose les personnalités, les travers et les émotions. Avec cruauté, mais toujours avec humanité, et sans mépris. On le sent fasciné et horrifié autant qu’émerveillé par la folie ordinaire et la bassesse dans laquelle il se reconnaît. Et en colère. Je le trouve absolument brillant, sur le fond comme la forme, qu’il fasse le portrait d’une sous-préfète allumée ou de sœur Emmanuelle, qu’il nous raconte un pauvre gars construisant une soucoupe volante pour emmener sa mère mourir dans les étoiles (ce qui sera d’ailleurs repris par Striptease) ou un drame terrible suite à un vol de soutien-gorge. Chaque histoire (il y en a 40, elles sont courtes) est follement marquante et tellement bien racontée. C’est un livre qui ne ressemble à aucun autre car rares sont celleux qui seraient capables de faire aussi bien et aussi étonnant. Ce n’est pas forcément relaxant mais c ‘est à ne pas rater.