Comment terminer une fresque d’ampleur épique sans tomber justement sur une fin épique et héroïque qui serait en contradiction avec tout le propos et le style de la trilogie ? C’est sans doute une question que s’est posé K.J. Parker parce qu’on ne réussit pas un tel tour de force par hasard. Ce troisième tome clôt donc la série de manière plus que satisfaisante, avec de vrais retournements politiques, l’aboutissement d’intrigues retorses et moches dont personne ne sort grandi (il n’y a définitivement pas de héros ici) et une issue douce amère qui consacre définitivement les ambiguïtés et la normalité de l’extraordinaire personnage principal. C’est beau et ça ne cède jamais aux facilités du genre. Et en prime, on a bien une clôture pour tous les personnages, même si on aurait bien souvent pu leur souhaiter autre chose. Et une dose tout à fait satisfaisante d’ingénierie, bien sûr. Au final, c’est une trilogie que je trouve marquante, et surtout sur deux aspects : l’extrême complexité de la mécanique scénaristique (c’est de l’horlogerie, et ça fait partie de l’intrigue et du propos : il se trouve que j’aime particulièrement ce genre de jeu récursif), et l’humanité si fine et si peu héroïque, si normale et si riche de l’ensemble des personnages. C’est un gros morceau, mais pour celles et ceux qui sont client-es d’une approche à contrepied des canons de la littérature héroïque et historique, c’est tout à fait remarquable.