180320_Libertalia_Graeber

Sous-titré, pour donner tout de suite une partie du propos : la véritable histoire de Libertalia. David Graeber est anthropologue et ne travaille pas seulement à l’anthropologie du capitalisme, mais aussi (ef d’abord, chronologiquement 😉 à celle de Madagascar. Il s’agit donc ici de l’édition au propre de son gros travail de recherche sur les communautés pirates intégrées progressivement à une des régions et peuples de la Grande Ile. Mélange de population et expérience politique et sociale jusque là sous-estimée (voire ignorée) et qui aurait crédiblement été à l’origine du mythe de l’utopie pirate de Libertalia (entièrement diffusée à partir de la version de Daniel Defoe). Le propos est en lui-même étonnant et passionnant : comment Les idéaux égalitaires et démocratiques des pirates (ainsi que leur mode de gouvernance) ont pu se transférer à la terre ferme et être incorporées à la culture locale (de manière complexe et activement menée non par les blancs mais par les malgaches); mais aussi comment la vision en a été faussée par les mensonges calculés des pirates (leur stratégie de propagande et de marketing en fait). Mais, et c’est l’autre aspect que j’ai beaucoup aimé, cette vision a aussi été faussée très logement par l’incapacité de l’anthropologie, pendant très longtemps, à considérer que des populations non-blanches puissent mener une réflexion politique et idéologique volontaire et innovatrice, sans suivre un grand leader blanc. En développant ces deux thèmes, Graeber expose une thèse sur ce qui s’est passé socialement et politiquement, et montre comment ça a pu être pionnier et inspirant. Brillamment, comme à son habitude, mais sur un registre plus classiquement universitaire et donc un peu moins léger et fluide que dans la plupart de ses autres écrits. Si la trilogie Pirate + Anarchisme + Madagascar vous tente, c’est vraiment bien.