
Doctorow va en se bonifiant, je vous le dis comme je le pense. Après Walkaway, son dernier roman que j’avais trouvé bluffant à tous points de vue, on le retrouve ici avec un recueil de quatre nouvelles, toutes plus pertinentes les unes que les autres quant aux enjeux sociaux et politiques de notre modernité d’aujourd’hui et toutes très bien écrites. Je crois que là où il m’impressionne le plus, c’est que c’est encore mieux visé en termes de thèmes, et aussi mieux écrit, plus touchant et sensible que les précédents. Histoire d’illustrer, je vous donne les thèmes des quatre nouvelles. La première est racontée par une réfugiée dont le four arrête de marcher, parce que c’est un four connecté, dont elle ne contrôle pas le logiciel (comme tous vos objets connectés) mais qu’elle n’a pas le droit de changer (parce que son bailleur touche un pourcentage sur le bénéfice fait en vendant les matières premières réservées à ce modèle). Très touchant, très fin, et terrifiant sur l’évolution des DRM et objets connectés, surtout pour les pauvres. Et tellement crédible pour demain matin. La seconde est une histoire de super-héros où Superman réalise que le gouvernement américain et sa police n’oeuvrent en fait pas complètement dans le sens de la justice. Et ça se passe mal du coup. La troisième suit la radicalisation d’un mari dont la femme souffre d’un cancer que son assurance refuse de soigner. Ce qui est terrifiant et fait espérer très fort qu’on garde une sécu. Et la dernière suit un millionnaire qui organise sa forteresse pour survivre en comité réduit et sélectionné à l’effondrement. Et là, Doctorow y dit des choses très fines, et pas dépourvues d’espoir, mais pas forcément là où on l’attends au départ. C’est vraiment de la science-fiction qui réfléchit, et qui fait réfléchir, sur des enjeux à la fois très ambitieux et très concrets, pour là, maintenant, tout de suite. Bref, ne ratez pas Cory Doctorow, c’est précieux.