Le sujet est donc dans le titre : il s’agit d’un gros travail de sociologie, étudiant le discours des classes très favorisées de quartiers de Sao Paulo, Delhi et Paris sur les classes populaires. Je vous passe les détails de méthodologie mais l’idée est de pouvoir comparer ce qui change selon les pays et les types de quartiers (qui restent des ghettos de riches, mais de types différents) et ce qui est commun aux élites mondialisées. L’objectif est donc de se concentrer sur une catégorie très favorisée pour faire apparaître des éléments de discours et de pensée qui ne leur sont pas forcément réservés (avec charge à des travaux ultérieurs de voir en détail comment ça se retrouve dans d’autres classes sociales). Comme souvent, j’y trouve un mélange de confirmation de choses attendues (voire de bon sens) et une structuration et une validation. Ainsi que certaines grilles de lecture plus fines et pertinentes que je n’avais déjà. J’ai trouvé vraiment utile et passionnant la catégorisation des ressorts de justification de l’entre-soi et de la discrimination, avec des exemples nombreux et fins (et passablement énervants, mais vu le sujet, je venais pour ça), et des stratégies de réduction de l’empathie et de la solidarité. Globalement on est sur le tryptique : maintien d’un ordre moral, danger sécuritaire/hygiéniste, naturalisation de la pauvreté/méritocratie (sur cet aspect en particulier, ça m’a apporté des finesses bienvenues). L’échelle internationale est vraiment éclairante en ce qu’elle montre comment les structures de pensées sont les mêmes, mais s’articulent différemment avec des poids différents donnés aux différents arguments selon les quartiers mais aussi les histoires nationales. Ce qui donne notamment des éclairages que je trouve précieux sur le cadre français et ses traditions solidaristes. C’est globalement facile à lire (si ce n’est la partie méthodologie, mais elle peut se zapper sans grand dommage pour la plupart des lectrices et lecteurs), intéressant, et j’y ai trouvé tout à fait ce que je cherchais.
Ce que les riches pensent des pauvres, de Paugam, Cousin, Giorgetti et Naudet